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Vous vous souvenez peut-être de ce slogan « les antibiotiques, c’est pas automatique » ...

C’est un sujet qui n’a jamais été autant d’actualité et c’est pourquoi nous avons voulu en savoir plus sur la résistance des bactéries aux antibiotiques qui est un problème préoccupant de santé publique et pour cela, nous sommes allés voir une spécialiste au laboratoire : Véronique Dubois.

Véronique, en plus d’être enseignante chercheur en bactériologie, est biologiste à l’hôpital.

Elle valide les résultats d’analyses bactériologiques et est responsable de la recherche de résistance aux antibiotiques.

Elle s’est pliée au jeu de l’interview.

 

Les bactéries, par divers mécanismes, résistent à l’action des antibiotiques.

Tous les antibiotiques n’agissent pas de la même manière sur toutes les espèces bactériennes.

Il existe des bactéries Gram + et Gram -, l’action des antibiotiques sera donc différente sur ces diverses bactéries. Les antibiotiques ont un spectre d’activité, et par rapport à ce spectre d’activité, certaines bactéries qui devraient être sensibles sont devenues résistantes.

Il faut, ainsi, différencier les résistances naturelles des résistances acquises.

En effet, certaines bactéries sont résistantes naturellement à certains antibiotiques, c'est-à-dire que toutes les souches de l’espèce sont résistantes. Cette résistance naturelle sert à établir les profils bactériens.

Mais elles peuvent acquérir une résistance par plusieurs mécanismes.

Des mécanismes biochimiques:

-   Défaut d’accumulation par imperméabilité des membranes bactériennes ou par rejet hors de la bactérie.

-   Inactivation ou hydrolyse de l’antibiotique par des enzymes cytoplasmiques

-   Absence ou modification de la cible de l’antibiotique.

Des mécanismes génétiques:

A partir du moment où un antibiotique est mis sur le marché, des mécanismes de résistance apparaissent, soit chromosomiques soit plasmidiques mais en général la diffusion est faible. Par contre, quant au sein d’une même famille de bactérie, un gène de résistance trouve un bon support pour diffuser, là ça explose assez rapidement.

En milieu hospitalier, on commence par faire, en premier lieu, une recherche bactériologique pour identifier la bactérie qui sera suivi d’un antibiogramme pour repérer la pathogénicité de la bactérie et la résistance aux antibiotiques.

Si la résistance est forte, on fait des tests supplémentaires. On poursuit la recherche surtout si la bactérie possède des gènes de résistance qui diffusent.

Dans ce cas, il faut gérer le problème de diffusion, et mettre en place rapidement des mesures, comme l’isolement du patient et le signalement au service d’hygiène hospitalier qui surveille s’il y a une épidémie.

L’OMS a publié un premier rapport alarmant en 2014 qui montrait que nous allions vers une ère post antibiotiques où les antibiotiques sont de moins en moins efficaces.

Le constat au niveau mondial est très différent d’un pays à l’autre ; en France, il y a beaucoup de surveillance, les antibiotiques sont donnés seulement sous prescription médicale donc pour le moment le niveau de résistance est relativement bas. De façon générale, c’est plutôt dans les pays du Nord de l’Europe que l’on trouve le moins de résistance.

En Europe du Sud, comme en Grèce, en Italie, mais aussi en Inde, il y a beaucoup de résistance principalement parce que les antibiotiques sont en vente libre. 

 

 

En France la surveillance de l’émergence des résistances est importante, et un dépistage systématique est pratiqué chez les patients ayant été hospitalisés à l’étranger.

Dans le cas d’une épidémie potentielle, le patient est isolé avec un personnel hospitalier dédié, on peut aller jusqu’à la fermeture du service pour limiter la diffusion dans le cas de bactéries hautement résistantes (BHR).

Le groupe le plus répandu est celui des bactéries multi résistantes (BMR) comme le Staphylocoque aureus résistant à la méticilline ou les entérobactéries productrices de BLSE (b-lactamases à Spectre Large) qui se trouvent majoritairement dans les hôpitaux et les maisons de retraite. En effet, on a de moins en moins d’antibiotique à proposer contre ce type de bactéries.

Dans ce groupe, on constate une diminution des Staphylocoque aureus avec la mise en place de l’utilisation systématique de solutions hydro alcooliques car ce sont des bactéries de la peau, alors, qu’il y a plutôt une augmentation des Entérobactéries puisque ce sont des bactéries du tube digestif.

 

 

Effectivement les bactéries du tube digestif peuvent être échangées entre l’homme et l’animal.

Par exemple les entérobactéries productrices de BLSE  étaient essentiellement localisées à l’hôpital. Puis dans les années 2000, un autre type de BLSE est apparu qu’on appelle CTXM. Ces BLSE sont sur des plasmides que l’on trouve beaucoup chez E. coli et qui sont présents chez l’homme et l’animal.

Des études ont permis de mettre en évidence ces BLSE en portage chez les animaux d’élevage, domestiques et de compagnie. On a alors suspecté des transferts importants.

Actuellement, pour parer la diminution des antibiotiques efficaces, d’anciens antibiotiques qui étaient plus toxiques comme la Colistine, réapparaissent. On les utilisait peu chez l’homme mais beaucoup chez l’animal. Des résistances se sont donc développées plus facilement chez l’animal. Comme ce sont des entérobactéries qui portent cette résistance (Klebsiella, E. coli) on voit maintenant apparaitre cette résistance chez l’homme.

Une alternative, entre autres,  serait l’utilisation des bactériophages (ce sont des virus qui vont se multiplier dans la bactérie et la détruire) qui attaquent directement les bactéries sans atteindre les cellules humaines et donc sans effet secondaire.

Au début du 20ème siècle, on étudiait les possibilités d’utilisation des antibiotiques et des bactériophages mais les antibiotiques, plus faciles à utiliser, ont été prioritaires dans les recherches et se sont ainsi beaucoup développés.

Aujourd’hui, vu la situation, on recommence à s’intéresser aux bactériophages.

Mais le principal problème reste la grande spécificité du bactériophage pour une bactérie ou une espèce bactérienne.De plus, ce sont des organismes difficiles à produire et à tester sur les patients. La méthode reste compliquée, la solution serait d’utiliser un mélange de bactériophages mais on perdrait en efficacité.

Donc, il n’existe actuellement pas vraiment d’alternative efficace …

 

En conclusion :

 

Pour limiter la résistance aux antibiotiques, il faut en limiter leur utilisation.

 

Cette lettre est publiée par le comité de rédaction de la Newsletter de l'UMR5234

Pour toute question concernant cette lettre, écrivez à Christina Calmels.

Responsable de la publication : Frédéric Bringaud

Responsables de la rédaction : Christina Calmels et Patricia Pinson

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