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Comme vous le savez sûrement, une épidémie de rougeole sévit en Nouvelle-Aquitaine depuis novembre 2017. L'Agence Régionale de Santé recense 269 cas confirmés, dont 66 ont nécessité une hospitalisation, essentiellement en Gironde et dans la Vienne, où se trouvent les agglomérations de Bordeaux et Poitiers. Une femme de 32 ans est décédée de la rougeole samedi 10 février au CHU de Poitiers. Le Professeur Marie-Edith Lafon, chef du service de virologie au CHU Pellegrin, et membre de l’équipe d’Harald Wodrich, a accepté de nous éclairer sur cette épidémie.

 

 

Marie-Edith, avant d’aborder cette épidémie, pourriez-vous s’il vous plait nous faire un petit rappel sur la rougeole (symptômes, transmission, traitement, prévention) ?

La rougeole est une maladie éruptive qui atteint habituellement les enfants. C’est une des maladies les plus contagieuses qui soient, puisqu’une personne infectée peut en contaminer 12 à 18 ! La transmission se fait par les gouttelettes de salive et les sécrétions respiratoires, par la toux, 5 jours avant l’éruption et au moins 5 jours après.

La rougeole commence en général par une fièvre importante avec des signes d’infection respiratoire (rhume, toux, larmoiement) pendant 2 à 4 jours. Puis, 14 jours après le contact infectant, l’éruption apparaît, commençant par le visage et s’entendant sur tout le corps, sans démangeaison. La fièvre disparaît dans la semaine qui suit.

Il n’existe pas de traitement anti-viral : il faut soulager la fièvre (paracétamol !) et vérifier l’absence de complication.

Il existe par contre une excellente prévention par le vaccin, qui contient une souche de virus de la rougeole atténuée. Ce vaccin « trivalent » permet aussi la protection contre la rubéole et les oreillons (ROR). La vaccination n’est complète que lorsque deux doses de vaccin ont été administrées, avec un intervalle d’un mois.

Est-ce que la rougeole est plus à risque pour les adultes que pour les enfants, si oui pourquoi ?

La rougeole est potentiellement dangereuse à tout âge. Le virus de la rougeole appartient à la même famille que le virus respiratoire syncytial (les bronchiolites des petits enfants) et il peut provoquer des infections respiratoires graves.

Ce virus a aussi un tropisme particulier pour le cerveau, à la fois juste après la rougeole (encéphalite rougeoleuse) et 8 à 12 années plus tard (pan encéphalite sclérosante subaiguë, qui est mortelle).

Dans un article très sérieux de 1994, la rougeole était qualifiée de « serial killer » : à l’époque, plus d’un million d’enfants mourraient chaque année des suites de la rougeole, dans le monde entier.

Comment explique-t-on l’ampleur de cette épidémie en France au 21ème siècle ?

La couverture vaccinale contre la rougeole est malheureusement insuffisante en France : il faudrait que plus de 85% de la population soit vaccinée pour empêcher la circulation des virus sauvages.

Il existe plusieurs génotypes de virus de la rougeole. Le Centre National de Référence, situé au laboratoire de virologie du CHU de Caen, caractérise toutes les souches isolées au cours de l’épidémie actuelle. Elles semblent pour l’instant appartenir à un génotype particulier, D8, qui n’avait pas beaucoup circulé auparavant. Nous en saurons davantage lorsque tous les résultats seront disponibles, à la fin de l’épidémie.

Est-ce que cette épidémie s’est ressentie au niveau de l’activité du service de virologie du CHU ?

Nous pratiquons en effet de très nombreuses sérologies de la rougeole, à la fois pour faire le diagnostic chez les personnes suspectes de rougeole et pour vérifier l’immunisation des personnels de santé et étudiants.

Le diagnostic est obtenu aussi par PCR dans la salive : cette « petite » technique de PCR en temps réel, jusque-là presque récréative pour nos Internes en Biologie, est à présent réalisée au moins trois fois par semaine. Depuis le 1er novembre 2017, le laboratoire a réalisé 1096 sérologies (dont 124 avec IgM positives, associées à une infection aiguë) et 146 PCR (dont 96 positives), alors que les chiffres de novembre 2016 à octobre 2017 étaient de …4 PCR ! Actuellement, l’épidémie n’est clairement pas terminée.

Je profite de la newsletter pour remercier toute l’équipe de virologie, qui a été particulièrement réactive et efficace.

Quelles précautions pouvons-nous prendre pour se protéger et protéger nos proches contre cette épidémie ?

La première précaution est de vérifier si nous avons été vaccinés.

En cas de doute, demandez à doser vos Immunoglobulines G anti-rougeoleuses dans le sérum : si les IgG sont présentes, vous êtes immunisés et a priori protégés.

Sinon, il est facile de demander à votre médecin un rattrapage vaccinal (2ème injection).

Ensuite, la seule façon de se protéger d’une personne atteinte de rougeole est le port d’un masque chirurgical et le nettoyage régulier des mains.

Souhaitez-vous rajouter quelque chose ?

Notre rôle comme scientifiques et professionnels de santé est de promouvoir la vaccination : c’est le meilleur moyen qu’on ait trouvé jusqu’ici pour prévenir les maladies infectieuses, voire les éradiquer ! Je vous renvoie au texte de la pétition qui a circulé en 2017, qui me semble résumer les meilleurs arguments « pour » les vaccins, alors que tant de pétitions « contre » circulent actuellement !

http://www.leparisien.fr/societe/200-grands-medecins-s-engagent-en-faveur-de-la-vaccination-obligatoire-28-06-2017-7095930.php

Cette lettre est publiée par le comité de rédaction de la Newsletter de l'UMR5234

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