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Isabelle Garrigue (MCU-PH) et Jean-Luc Brun (PU-PH), membres de notre UMR dans l’équipe de Marie-Line Andreola, et Praticiens Hospitaliers au CHU de Bordeaux (Laboratoire de Virologie et Service de Gynécologie, respectivement) ont récemment publié dans Archives of Gynecology and Obstetrics. Il s’agit d’une étude sur les facteurs prédictifs de la régression spontanée des lésions de haut-grade du col de l’utérus (lésions pré-cancéreuses pouvant aussi évoluer vers un cancer invasif du col). C’était l’occasion de vous les présenter et d’en savoir plus sur la recherche clinique au sein de notre unité. 

https://doi.org/10.1007/s00404-020-05853-3

 

Pourriez-vous vous présenter en nous décrivant votre parcours professionnel, votre ou vos fonctions aujourd’hui, le ou les sujets de recherche que vous développez ?

Isabelle Garrigue : je suis médecin biologiste. Après les études de médecine (Paris VII) et l’internat en Biologie Médicale (Bordeaux), je me suis spécialisée en Virologie (3 ans d’assistanat au CHU de Bordeaux, laboratoire du Pr Fleury). De retour d’un an aux USA en 1998 (Cleveland Clinic Foundation, Ohio), j’ai occupé les fonctions de Moniteur d’Etudes Biologiques pour l’ANRS. Après mon doctorat dirigé par le Pr Lafon et le concours de MCU-PH (2006), mes travaux de recherche ont concerné l’infection à CMV(Cytomegalovirus) chez les patients immunodéprimés (suivi moléculaire, variabilité virale, résistance aux anti-viraux, réponse immunitaire), les techniques de dépistage et le suivi des femmes infectées par HPV (Papillomavirus Humain)  en France et en Côte d’Ivoire, les infections à HSV (Virus Herpès Simplex) et autres infections virales dans la maladie d’Alzheimer.

Le dernier projet tout récemment accepté par l’INCa et porté par le Pr Brun, vise à développer en Gironde les auto-prélèvements vaginaux et urinaires pour augmenter les chances de dépistage de lésions du col utérin chez les femmes insuffisamment suivies jusqu’à présent (un sujet pour une future newsletter ;-))

Jean-Luc Brun : je suis chirurgien gynécologue spécialisé dans le traitement des tumeurs pelviennes bénignes et malignes à l’hôpital Pellegrin et coordinateur de l’enseignement de gynécologie obstétrique en 2ème et 3ème cycle à l’université de Bordeaux. Tout mon cursus s’est déroulé à l’université et au CHU de Bordeaux. Ma mobilité à Bruxelles (université du Louvain) puis à Paris (hôpital Tenon) m’a permis d’orienter mes recherches en gynécopathologie sur le thème de l’implication des MMPs (matrix metalloproteinases) sur l’endomètre traité et les tumeurs ovariennes. J’ai été accueilli par les Pr H. Fleury et M.E. Lafon en 2009 dans l’ex EA 2968 pour développer le thème de l’HPV en recherche clinique. Un trio s’est ainsi constitué comportant une anatomopathologiste Dr Marty, I. Garrigue sur le versant virologique et moi-même sur le versant gynécologique pour l’élaboration de projets de recherche clinique. Le dernier récemment accepté et financé par l’INCa sur 3 ans, nommé COLAUTOP, est détaillé ci-dessus.

Qu’est-ce que la néoplasie cervicale intra-épithéliale ? A quoi correspond la classification CIN (1,2 et3), HSIL et LSIL ?

Tout d’abord, il faut souligner l’association étroite entre infection par papillomavirus humains (HPV) et développement de lésions pré-cancéreuses/cancéreuses du col de l’utérus. Il existe de nombreux HPV, tous ne présentent pas le même potentiel cancérogène (HPV à haut-risque HPV-HR ou HPV à bas-risque). L’infection génitale par HPV concerne une large majorité des personnes sexuellement actives ; lorsque la clairance virale n’est pas efficace, la persistance d’un HPV-HR peut conduire à des modifications et une transformation anormale des cellules du col de l’utérus.

Les lésions évoluent sur plusieurs années, ce qui laisse toute sa place au dépistage, même espacé. Le dépistage fait appel en première intention à un test HPV-HR ou à une analyse cytologique sur un prélèvement gynécologique (de type frottis). Le résultat cytologique est rendu selon la classification de Bethesda, avec, parmi d’autres anomalies, des lésions malpighiennes intra-épithéliales étiquetées de bas-grade (LSIL) ou de haut-grade (HSIL).

Si une biopsie doit être réalisée, le résultat histologique est exprimé selon la profondeur de l’atteinte de l’épithélium cervical (Néoplasie Cervicale Intra-épithéliale, NCI ou CIN en anglais). Selon l’ancienne classification pour notre étude rétrospective : CIN 1 pour l’atteinte du 1/3 basal, CIN 2 si les 2/3 basaux sont concernés, CIN 3 pour des lésions impliquant plus des 2/3 jusqu’à toute l’épaisseur de l’épithélium. L’actuelle classification regroupe en LSIL histologique les CIN1, et en HSIL les CIN2 et CIN3.

Le test HPV-HR et/ou la cytologie permettent de « trier » les femmes selon leur risque de développer une lésion pré-cancéreuse/cancéreuse. L’histologie confirme les anomalies tissulaires avant de décider de la prise en charge de la femme.

Pouvez-vous décrire le principe de l’immuno-marquage P16 et Ki67

L’immuno-marquage p16/Ki67 est un double examen immunohistochimique réalisé au laboratoire d’anatomo-pathologie sur les cellules recueillies lors du frottis cervico-utérin ou sur le tissu cervical biopsié. La présence de la protéine p16 (à ne pas confondre avec HPV-16, le génotype viral à haut-risque le plus fréquemment associé au cancer du col) témoigne de l’expression de l’oncogène viral E7 lors d’une infection par un HPV-HR. Ki67 est un marqueur de prolifération cellulaire. La mise en évidence à la fois de l’expression de p16 et de Ki67 est un signal de dérégulation cellulaire, ce qui permet d’évoquer une infection HPV-HR transformante et didentifier les lésions à risque d’évolution vers un processus cancéreux.

Pourquoi est-il important de classer correctement les lésions prénéoplasiques des patientes ?

Il n’est pas toujours facile de classer les lésions d’un col (corrélation cytologie/histologie, biopsie localisée, interprétation au microscope). Or le grade de la lésion détermine le risque d’évolution péjorative mais aussi les chances de régression. En effet, les lésions peuvent aussi régresser spontanément (parallèlement à la clairance virale), argument de poids pour une abstention thérapeutique et une surveillance des lésions de bas grade, surtout chez la femme en âge de procréer (le traitement des lésions fragilise le col, augmentant le risque de fausse-couches et de prématurité). Les lésions de haut grade sont une indication chirurgicale (exérèse au niveau du col appelée conisation). L’originalité de notre étude est d’avoir séparé les CIN2 des CIN3 pour évaluer la régression spontanée des CIN2.

La régression spontanée de la lésion CIN2 en CIN1ou absence de CIN est de 60% dans votre étude à 20 mois, en accord avec des précédentes études. Quels facteurs permettent de prédire cette régression et ainsi éviter des procédures chirurgicales lourdes de conséquences ?

Comme l’indique notre étude, chez les femmes présentant des lésions CIN 2, la régression ou la disparition des lésions à 20 mois était associée aux caractéristiques cliniques cytologiques ou virologiques des patientes à l’inclusion. Ainsi, les femmes ayant un CIN2 avec une lésion du col d’aspect bénin en colposcopie, une cytologie initiale de bas grade et l’absence d’HPV-16 à l’inclusion avaient plus de chance de régression spontanée que les autres femmes.

Cette lettre est publiée par le comité de rédaction de la Newsletter de l'UMR5234

Pour toute question concernant cette lettre, écrivez à Christina Calmels.

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