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Le Soleil et notre peau ou comment permettre à ce couple de durer ?

Pour aborder ce sujet brûlant, nous avons eu le plaisir de rencontrer le Docteur Christine Léauté-Labrèze, dermatologue au CHU de Bordeaux, spécialiste des angiomes de l’enfant et directrice du centre de référence de Bordeaux des maladies rares de la peau.

 

Docteur Christine Léauté-Labrèze, avant d’aborder le sujet d’aujourd’hui, pourriez-vous svp nous dire un mot du prix que vous avez reçu en 2017, à savoir le prix Eugene Van Scott Award for Innovative Therapy of the Skin and Phillip Frost Leadership Lecture ?

Ce prix n’a rien à voir avec le sujet d’aujourd’hui. Il est en lien avec des travaux menés sur le traitement de de l'hémangiome infantile, et plus précisément l'effet positif du propranolol, jusque-là prescrit comme béta-bloquant. Chez un nourrisson de trois mois traité avec cette molécule pour une myocardiopathie, l’hémangiome qui lui obstruait les voies respiratoires du nez diminua contre toute attente et finit par disparaitre. L'effet observé fut confirmé dans un autre cas, et nous avons décidé alors de breveter cette découverte et de publier ces résultats.

 

Tout le monde a conscience que le soleil induit sur notre organisme des effets bénéfiques  mais aussi  nocifs. Pourriez-vous nous décrire ces différents effets, leurs causes si elles sont connues et surtout leurs conséquences ?

Le Soleil est indispensable à la Vie, par sa lumière, sa chaleur, également médicalement parlant : nous synthétisons de la vitamine D à partir du cholestérol. Il est important pour notre horloge biologique (jour/nuit, variations des saisons). Cela joue aussi sur notre moral.

Les effets nocifs sont de deux niveaux et dûs aux rayonnements ultraviolets qui entrainent des dégradations cellulaires :

-          Les UVA qui entrainent un vieillissement de la peau (rides, amincissement, disparition du tissu de soutien)

-          Les UVB qui sont responsables des cancers de la peau

De plus, le vieillissement naturel de notre peau fait que les dégâts causés par les UVs sont moins bien réparés. En outre, certaines maladies génétiques, comme par exemple xeroderma pigmentosum, entrainent chez les patients une incapacité à réparer ces détériorations.

 

Quels conseils nous donneriez-vous pour vivre en bonne harmonie avec le Soleil ?

Au cours du temps, les modes changent :  il y a cent ans, il était de bon goût d’avoir la peau blanche, la peau bronzée étant associée aux campagnards. De même aujourd’hui, certaines personnes de peau noire prennent des traitements pour blanchir leur peau entrainant de graves effets secondaires. En conclusion, nous ne sommes jamais contents de ce que nous avons, pourtant la solution est d’adapter notre attitude vis-à-vis du soleil en fonction de notre peau. Et la raison est simple, c’est la mélanine qui protège du soleil. Notre peau est constituée de couches de kératinocytes qui se renouvellent,  entre lesquelles s’intercalent les mélanocytes qui produisent la mélanine. Les peaux noires produisent des gros grains de mélanine (eumélanine) très protecteurs. Au contraire, les peaux de personnes rousses produisent de la phaeomélanine qui protège moins bien, des propriétés pro-cancéreuses lui seraient même attribuées.

En fonction de notre type de peau, nous avons donc un mélange des deux mélanines. Ainsi les couleurs de peau ont une logique par rapport à l’ensoleillement de la région. Dans les zones nordiques, les peaux sont blanches car elles ont besoin de fabriquer suffisamment de vitamine D et dans les pays africains par exemple la peau doit se protéger des rayonnements. Par contre, il y a le cas de l’Australie où la population blanche est présente depuis une centaine d’année, et où le taux des cancers de la peau est très élevé.

Pour vivre en harmonie avec le soleil, il suffit de suivre des règles simples et logiques :

-          Les enfants de moins de trois ans ne doivent pas être exposés entre midi et 16 heures

-          Penser à adapter son activité en fonction de l’heure, sinon penser à une protection vestimentaire et aux     lunettes (attention au développement des cataractes)

-          Les crèmes solaires sont un complément photoprotecteur et non la solution unique, d’autant que ce n’est pas une protection à 100%. En plus, il faut savoir qu’elles polluent les points d’eau

-          Enfin certaines personnes ne doivent pas s’exposer comme par exemple les greffés qui prennent à vie des immunosuppresseurs.

 

Lorsque le thème de l’exposition au soleil est discuté, rapidement la notion de cancer de la peau pointe son nez. Qu’en est-il aujourd’hui de ce cancer dans le monde, en France ? Où en est-on du diagnostic et des thérapies ?


Il y a plusieurs types de cancers de la peau :  ceux concernant les kératinocytes (carcinomes basocellulaires ou épidermoïdes) qui sont fréquents et qui, pris à temps, s’enlèvent facilement et ceux touchant les mélanocytes (mélanomes) qui peuvent être plus redoutables car entrainant des métastases.

En Australie où les premières données ont été recueillies, on observe maintenant une stabilisation. Par contre, au début de leur campagne de sensibilisation sur l’usage des crèmes solaires, ils ont observé une forte augmentation des cancers car des personnes qui ne se seraient pas exposées ont pensé être protégées pleinement par le photoprotecteur.

En France, le nombre des cancers de la peau augmentent constamment, et comme pour de nombreuses campagnes de sensibilisation nous n’obtenons pas l’effet désiré. 

Pour les traitements, il y a eu des progrès considérables depuis 10 ans pour lutter contre les mélanomes métastatiques. Notamment, des mutations ont été identifiées au niveau de la voie BRAF entrainant ainsi le développement d’une molécule anti-BRAF.

En Afrique, les cancers de la peau sont plus rares mais peuvent être observés notamment pour des raisons génétiques.  Pour l’anecdote, n’oublions pas que Bob Marley est mort à cause d’un mélanome à l’orteil.

 

Docteur Christine Léauté-Labrèze, nous vous remercions encore du temps que vous nous avez consacré, souhaitez-vous ajouter quelque chose ?


En conclusion, je souhaiterais préciser qu’il faut Vivre, ne pas fuir le Soleil car nous en avons besoin mais il faut en faire un usage raisonnable, logique et adapté à notre type de peau. Dans les sociétés qui ont pris conscience du problème, des zones d’ombres sont aménagées. Il faut également lutter contre les idées reçues : l’exposition au soleil, ce n’est pas seulement la plage ou la piscine, cela concerne aussi la balade en vélo, le jogging, la randonnée, le bricolage ou le jardinage. Enfin, ne pas oublier que la crème solaire est un complément mais pas la solution unique.

 

 


 

Cette lettre est publiée par le comité de rédaction de la Newsletter de l'UMR5234

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